D’après Henry Buzy-Cazaux, le rapport entre la hausse des prix immobiliers et la baisse de la natalité en France est indéniable. «Sans logement ou sans logement suffisamment spacieux, il n’y a pas d’enfant ou pas de possibilité d’agrandir la famille», affirme le président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers.

Il y a seulement dix ans, la fécondité des femmes en France dépassait de 25 % la moyenne européenne. Cependant, les dernières données de l’Insee montrent un renversement marqué de cette tendance. Au cours du premier semestre de cette année, on compte 8 140 naissances de moins par rapport à la même période en 2023, soit une diminution de 3 %. Bien que ce chiffre soit inférieur à la baisse de 7 % enregistrée en 2023 par rapport à l’année précédente, cela n’atténue pas la chute historique de la natalité depuis la Seconde Guerre mondiale. Le taux de fécondité, qui était de 1,68 en 2023, a diminué dans toutes les tranches d’âge. Ce déclin ne signifie pas que les femmes françaises sont moins fertiles, mais plutôt qu’elles retardent le moment d’avoir des enfants, ce qui réduit naturellement le nombre de naissances.

Les répercussions de cette tendance sont préoccupantes. Si la situation persiste, le taux de mortalité finira par dépasser le taux de natalité, entraînant un vieillissement et une diminution inévitable de la population française. Les travailleurs actifs ne seront plus en mesure de subvenir aux besoins des retraités et des bénéficiaires des prestations sociales. D’ici 2040, cette dynamique pourrait entraîner une baisse de 3 points du produit intérieur brut, soit 75 milliards d’euros de production de richesse annuelle en moins.

Une révision à la baisse des objectifs de construction de logements…

Et qu’en est-il du logement dans ce contexte ? Faut-il ajuster les volumes de construction et l’utilisation du parc existant en réponse à cette diminution progressive des besoins ? Ou bien, au contraire, est-il nécessaire de reconnaître que la cherté et l’insuffisance de l’offre de logements sont en partie responsables de cette tendance démographique déclinante ? Ce débat crucial mérite d’être abordé avec honnêteté. En d’autres termes, face au déficit public, les décideurs pourraient être tentés de conclure que la France doit sérieusement revoir à la baisse ses ambitions en matière de production de logements, qu’ils soient libres, intermédiaires ou sociaux. C’est dans cette optique que le gouvernement d’Élisabeth Borne, lors du lancement du Conseil national de la refondation pour le logement, a préparé les acteurs professionnels et associatifs : la direction du Trésor y a présenté une étude suggérant que 270 000 unités de logements seraient nécessaires, alors que d’autres études estiment ce besoin entre 450 000 et 530 000 unités.

Bien que la Première ministre ne soit plus aux commandes du gouvernement, le Trésor et ses fonctionnaires continuent de jouer un rôle clé, peut-être même plus qu’avant. La France est confrontée à des contraintes budgétaires sévères et est sous surveillance de la part de l’Union européenne, à laquelle elle a dérogé aux règles collectives. Le FMI observe également de près la situation. L’approche technique du budget pourrait ainsi avoir des conséquences graves pour le secteur du logement, et si la démographie soutenait cette tendance, cela ne poserait pas de problème. Bruno Le Maire, lui-même, adopte une approche technocratique, annonçant une austérité rigoureuse avec 25 milliards d’euros à économiser, ce qui inclurait des coupes dans le secteur du logement, parmi d’autres ministères.

Le lien entre la politique du logement et la politique familiale

Il semble que le gouvernement ne se pose pas la question, ou du moins évite d’y réfléchir, de savoir si les difficultés d’accès au logement pourraient être l’une des causes de la baisse de la natalité. Pourtant, la corrélation est évidente et implacable. Avec un prix moyen au mètre carré dans les grandes villes approchant les 5 000 euros, avoir un enfant ou un enfant supplémentaire revient à dépenser environ 50 000 euros, le coût d’une chambre de dix mètres carrés supplémentaires. Ce constat peut sembler froid, mais il est bien réel. Les couples repoussent souvent le moment de faire des enfants à plus tard dans leur carrière, lorsqu’ils disposent d’un revenu suffisant pour s’endetter davantage ou d’une épargne plus conséquente. Une offre de logements insuffisante et des prix élevés découragent les jeunes couples d’avoir des enfants, ce qui affaiblit la natalité. En d’autres termes, la politique du logement est intrinsèquement liée à la politique familiale : sans logement ou sans espace suffisant, il est difficile d’envisager d’avoir des enfants. Ce diagnostic est brutal, même si les ménages le verbaliseront rarement de cette manière, préférant parler de s’installer ou d’atteindre une certaine stabilité financière.

Le logement est probablement l’un des principaux facteurs de notre faible croissance démographique. C’est la cause, et non la conséquence, contrairement à ceux qui soutiennent que la baisse de la demande justifie une réduction de la production de logements. Il est à prévoir que ce point sera évoqué lors des discussions budgétaires difficiles de l’automne, mais il sera essentiel de rappeler que cette approche est erronée, voire trompeuse.